La Western Climate Initiative (WCI) est un regroupement d’états américains et de provinces canadiennes qui souhaitent se doter d’une approche commune pour lutter contre les changements climatique. Initialement, le marché devait regrouper sept états américains (Arizona, Californie, Montana, Nouveau-Mexique, Oregon, Utah et Washington) et trois provinces canadiennes (Québec, Ontario et Colombie-Britannique). Le Québec et la Californie ont joint la WCI en 2008. À l’heure actuelle, des pourparlers se poursuivent afin que certaines provinces et états puissent se joindre au marché du carbone d’Amérique du Nord, tel que l’Ontario (2018), le Manitoba, l’Ohio, la Colombie-Britannique…
Dans le cadre de la WCI, le Québec et la Californie ont opté pour un système de droits d’émission de « Cap and Trade », nommé le système de plafonnement et d’échange de droits d’émission de gaz à effet de serre (SPEDE). Le SPEDE est un instrument économique, parmi d’autres, ayant pour but de protéger l’environnement notamment en diminuant les émissions de gaz à effet de serre.
Comment fonctionne le SPEDE
Le gouvernement statue sur un plafond d’émissions de GES à ne pas dépasser. Ce plafond d’émissions devrait être cohérent avec la trajectoire des 2°C que le Québec se doit de tenir comme objectif. Chaque année, une portion des droits est retirée du marché afin de diminuer le plafond d’émissions, ce qui crée un manque et donc force les entreprises à entreprendre des efforts pour diminuer leurs émissions de GES, ou bien augmente le prix du carbone qui à terme forcera aussi les entreprises à trouver des solutions pour émettre moins de GES.
Une fois que plafond est déterminé, le gouvernement émet des droits d’émission (quotas), que l’on nomme souvent dans le jargon : « droit à polluer ». Une fois les quotas attribués, l’entreprise ne doit pas dépasser le sien, et pour être conforme, l’entreprise doit donc réduire ses émissions ou bien acquérir de nouveaux quotas d’émissions. Ces nouveaux quotas d’émission s’achètent sur le marché du carbone, à d’autres entreprises détenant un quota excédentaire. Si l’entreprise A diminue ses émissions de GES par rapport à son quota attribué, alors elle peut les revendre à l’entreprise B, qui a dépassé son quota et donc est dans l’obligation d’acquérir de nouveaux quotas d’émissions.
Ainsi, les entreprises dont les coûts de réduction des émissions de GES sont élevés peuvent acheter des droits d’émissions des entreprises dont les coûts sont relativement plus bas. Le marché de l’offre et la demande s’active pour que les réductions de GES les moins coûteuses s’effectuent en premier. Le marché du carbone permet donc la réduction des GES de manière efficiente.
Le SPEDE
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2013 : Le SPEDE a mis en place le premier plafond couvrant les émissions des secteurs énergétique et industriel. 80 entreprises ont été concernées (alumineries, cimenterie, producteurs d’électricité, producteurs de gaz, compagnies de carburants fossiles…), avec le critère d’au moins 25,000 t CO2e par année, sachant que ces entreprises sont à l’origine d’environ 30% des émissions totales du Québec. À noter que les entreprises dépassant le seuil de 10 000 t CO2e par année doivent également faire leur déclaration au MDDELCC même si elles ne sont pas assujetties au SPEDE.
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2015 : cette étape est orientée pour s’attaquer au secteur des transports.
Ces deux cibles cumulées couvrent 80% des émissions totales du Québec. Ces deux plafonds seront progressivement réduits de 2 à 4% annuellement, afin que les entreprises émettrices puissent poursuivre leurs efforts de réduction d’émissions de GES.
À noter que lors du lancement du marché du carbone, le gouvernement a octroyé des quotas gratuitement aux entreprises. Il s’agit des secteurs jugés sensibles à la compétition nationale et internationale tel que l’extraction minière (excepté le gaz et pétrole), la production d’électricité, certaines entreprises de fabrication appartenant au SCIAN 31-33. Ces allocations de quotas gratuits ont été déterminées comme la quantité de GES « nécessaire » à émettre pour la production d’un bien précis. Ces allocations gratuites diminuent de 1% à 2% annuellement depuis 2015.
Le SPEDE est donc l’organisateur des ventes aux enchères (quatre fois par année) afin que les entreprises puissent échanger (acheter-vendre) leurs quotas, selon leurs besoins, et ainsi l’offre et la demande déterminent le prix du carbone. Pour éviter un prix du carbone trop bas, le gouvernement a fixé un prix plancher pour les quotas d’émission vendus aux enchères. Chaque année, ce prix plancher augmente de 5% en plus de l’inflation.
La première mise aux enchères québécoise a eu lieu en décembre 2013 (prix t CO2e = 10,75 $CAD) et la dernière a eu lieu en août 2017 (prix t CO2e = 18,74 $CAD).
La mise en place d’un marché du carbone permet au gouvernement québécois de collecter des revenus additionnels, que le SPEDE verse au fonds vert du Québec (organisme géré par le MDDELCC). Depuis la première vente aux enchères du SPEDE (2013), le fonds vert a reçu près de 2 milliards $CAD. Les sommes du Fonds vert issues des ventes aux enchères d’unités d’émission de GES sont consacrées à la lutte contre les changements climatiques. Le gouvernement du Québec possède donc une source de revenu pour mettre en place des programmes de collaboration et d’accompagnement des entreprises, organismes et citoyens vers une économie sobre en carbone, et de conduire avec efficience la transition.
La conformité des entreprises
L’émetteur (l’entreprise) doit détenir dans son compte de conformité des droits d’émission en nombre au moins équivalent à la somme des émissions vérifiées de GES. Pour cela, six options de conformité sont disponibles aux entreprises participant au système :
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Réductions de GES en interne
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Transactions d’unités d’émissions des émetteurs inscrits au SPEDE (exemple : allocations gratuites)
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Achat d’unités d’émissions lors des ventes aux enchères organisées par le SPEDE
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Achat de crédits compensatoires (explication plus bas)
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Achat d’unités provenant de la réserve stratégique du ministère MDDELCC (cas plus exceptionnel, c’est une vente de gré à gré entre le ministère et l’émetteur, avec des critères spécifiques tel que, par exemple, l’émetteur ne doit détenir aucune unités d’émission valides pour la période de conformité en cours)
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Obtention de crédits pour réductions hâtives (CRH) : crédits délivrés aux émetteurs ayant effectué des efforts de réduction d’émissions de GES, concrétisés avant l’entrée en vigueur du SPEDE.
En plus des mécanismes de flexibilité énoncés ci-dessus, les entreprises ont aussi l’opportunité de mettre en banque les crédits d’émissions excédentaires en vue de les vendre ou pour répondre aux exigences de conformité des périodes futures. Par exemple, si une entreprise envisage une croissance de sa production en 2018, et donc une augmentation de ses émissions de GES, elle peut acheter des quotas supplémentaires lors des différentes ventes aux enchères de 2017.
Les crédits compensatoires
Un crédit compensatoire représente une quantité d’émissions de GES non émise, éliminée ou séquestrée. Cette quantité d’émissions de GES a été réduite de façon permanente et irréversible à la suite d’un projet mis en place volontairement par un initiateur. Chaque émetteur assujetti au marché du carbone a l’opportunité de remplacer l’achat de crédits carbone par des crédits carbone compensatoires jusqu’à hauteur de 8 % de sa couverture d’émissions obligatoire, par période de conformité.
Le SPEDE reconnaît trois protocoles de projets admissibles à la génération de crédits compensatoires :
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La destruction du méthane des lisiers agricoles (destruction du CH4)
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Le captage et la destruction de biogaz de sites d’enfouissement non réglementés – destruction du CH4, ciblant les petits lieux d’enfouissement non couverts par le règlement sur l’enfouissement et l’incinération des matières résiduelles
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La destruction des substances appauvrissant la couche d’ozone (SACO), provenant des matières isolantes des équipements de réfrigération (contenues, notamment, dans les mousses isolantes provenant d’appareils de réfrigération et de congélation).
Dû à la nature (certaines études démontrent que les protocoles cités ci-dessus ne sont pas rentables à mettre en place : par exemple, capter le CH4 d’un site d’enfouissement coûte entre 50$/t CO2e et 80$/t CO2e alors celle-ci est vendue à l’heure actuelle 18,74$/t CO2e) et au faible nombre de protocoles de projets admissibles, les crédits compensatoires sont trop peu nombreux. Le potentiel de création de crédits compensatoires est faible au Québec en comparaison de celui de la Californie et demeure nettement insuffisant pour combler la demande permise des deux juridictions. À noter que des acteurs tel que la COOP Carbone permettent d’agréger les 8% des crédits compensatoires des entreprises émettrices afin de créer une synergie et pouvoir mettre en place des projets rentables répondant à ces protocoles. En plus des trois protocoles québécois mentionnés ci-dessus, la Californie reconnaît ses protocoles suivants:
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La destruction des émissions provenant des troupeaux de bétail
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Les émissions des forêts américaines
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La reforestation des forêts en milieu urbain.
En plus de ces trois protocoles supplémentaires, la Californie envisage d’en ajouter d’autres : la destruction du CH4 minier; le remplacement des valves à haut débit de la production gazière; la gestion de rizières; la gestion des fertilisants agricoles, la reconnaissance du développement de projets internationaux liés à la dégradation, destruction et fragmentation des forêts (REDD).
Le marché du carbone n’est qu’une partie de la solution globale que nous devons mettre en place pour lutter contre le dérèglement climatique. Il existe d’autre outils permettant cela tel que la taxe carbone (certains pays ou province utilisent ou envisagent d’utiliser les deux mécanismes taxe carbone et Cap and Trade, car chaque mécanismes a ses avantages et inconvénients et ils sont surtout et avant tout complémentaires).
La solution à la transition par laquelle nous allons devoir passer est une combinaison d’outils et de mécanismes complémentaires. Un seul outil ne peut pas être la solution. Il est donc important de mettre en place une politique cohérente, afin d’atteindre notre cible globale, c’est à dire rester en deçà de 2°C de réchauffement climatique, tel que statué lors de la COP21 en 2015.