Forum citoyen Notre 15/40 – Royalmount prise 2

Samedi le 24 août dernier se tenait au CEGEP Saint-Laurent le forum Notre 15/40 – Royalmount prise 2.

Organisé par le collectif Notre 15/40, cet événement a réuni des citoyens interpelés par le projet Royalmount ainsi que par l’ensemble de la planification du secteur au sud-ouest du croisement des autoroutes 15 et 40, où est entre autres situés l’ancien hippodrome Blue Bonnets, une vaste friche urbaine en attente de redéveloppement.

Suite à quelques brèves présentations des concepts clés et d’histoires inspirantes, les participants se sont réunis en équipes afin de réfléchir à l’avenir du secteur.

Dans un premier temps, une mise en situation au moyen de personnages et de thèmes a permis d’énoncer des questions et des préoccupations face à une proposition de développement comme le projet Royalmount. On a ainsi noté :

  • Le lieu demeure compliqué d’accès, que ce soit en voiture à cause de la congestion récurrente ou en transport en commun. Il est nécessaire d’ouvrir le 15/40 aux secteurs avoisinants, le grand défi étant  de désenclaver du côté des voies ferrées du CN et du CP.
  • Est-ce que la passerelle est vraiment nécessaire ? Est-ce que l’argent dévolu au transport actif ne pourrait pas être mis dans une meilleure infrastructure ?
  • La frontière à franchir en transport actif (autoroutes 15 ou 40) est particulièrement ardue pour les personnes âgées ou à mobilité réduite.
  • Au niveau de la mobilité : si les 10 000 personnes qui habitent à Royalmount n’y travaillent pas, bonjour le trafic, considérant que seules 10 voies d’accès routiers existent présentement pour l’entièreté du secteur ; de plus, le promoteur prévoit 70 000 visiteurs par jour, ce qui aura un impact important sur la congestion du secteur.
  • Il y a fort à parier que l’offre culturelle sera peu diversifiée. En outre, l’offre est déjà grande pour les spectacles à Montréal.  De manière similaire, le type d’offre culturelle prévu risque d’empêcher certaines personnes d’y accéder étant donné le prix d’entrée.
  • L’hiver, le site semble peu intéressant, entre autres car il semble manquer d’éléments naturels.
  • En été, il faut craindre les îlots de chaleur si tout est bétonné au maximum.
  • Le soir, le tout semble peu intéressant (à l’exception des spectacles si la personne peut se les permettre) ; peu de divertissements semblent accessibles de manière régulière localement pour les résidents et les proches voisins.
  • Dans 25 ans, y aura-t-il encore une place économique pour les centres d’achat ? Ou est-ce que Montréal sera pris avec des infrastructures vétustes et délabrées ?
  • Le passage très fréquent des avions risque de poser un problème pour la quiétude des logements, en particulier la nuit.
  • Il y a peu d’intérêt à y habiter en raison de la pollution atmosphérique et sonore.
  • On voit peu de mixité au niveau du logement ; par exemple, y aura-t-il des maisons de retraite ?
  • Les logements semblent peu adaptés pour les familles (3 chambres ou plus).
  • La quantité de résidents comptant sur leur voiture requerra beaucoup de places de stationnement. Or, si ces stationnements sont extérieurs, cela fera forcément diminuer la perméabilité des sols (actuellement, une grande proportion du territoire est déjà imperméable. On devrait profiter des travaux pour remédier à cela).
  • Le coin aquatique est intéressant (comme certains autres services), mais demeure peu accessible aux populations voisines, en particulier du Sud et de l’Ouest.
  • Il y aura des conséquences importantes sur les activités économiques voisines, ce qui aura l’effet rebond de concentrer encore plus de gens à Royalmount et d’accentuer les problèmes de congestion.

Les friches urbaines du secteur offrent un grand potentiel de redéveloppement, mais aussi des défis importants, dont le désenclavement

En seconde partie des ateliers, les participants étaient invités à faire part de leurs suggestions, à l’intérieur de six thèmes principaux.

Mobilité et transport

  • Ajouter des rues et augmenter la mobilité entre Royalmount et Blue Bonnets
  • Favoriser le transport actif
    • Aménager des stationnements pour les vélos, pour éviter le vol, tant pour les résidents que pour les visiteurs
    • Aménager des pistes cyclables et des trottoirs agréables, verdis, bien entretenus, structurants
    • Aménager plusieurs passerelles, sur tous les côtés si possible
  • Désenclaver le secteur par le nord – au travers de l’autoroute métropolitaine, ce qui serait certainement plus facile qu’au travers des voies ferrées, bien qu’il ne faille pas abandonner d’avance cette autre possibilité)
  • Ajouter un pôle de voitures communautaires pour réduire la place nécessaire pour le stationnement et le nombre de véhicules (de type coopératif ou simplement échanges entre voisins tel que Loco Motion)
  • Prévoir l’accessibilité universelle pour l’entièreté des infrastructures
  • Transport collectif
    • Utiliser le train pour déplacer les gens ; une gare pourrait être ajoutée sur les rails du train de banlieue de Saint-Jérôme, qui longe le sud du site de l’hippodrome
    • Ajouter un tramway traversant tout le secteur, avec une fréquence adéquate
    • S’assurer de la connectivité pour le centre de Royalmount, Blue Bonnets, les stations de métro de la ligne Orange, ainsi que les  boulevards Décarie et Jean Talon.
    • Assurer la connectivité au centre du secteur mais aussi avec l’extérieur ; possibilité de se déplacer vers le Nord et relier Ville Saint-Laurent
  • Mettre en place des navettes/bus entre les bâtiments de Royalmount
  • Considérer la possibilité d’ajouter un pôle de transport, que ce soit pour le transport des marchandises ou celui des gens (stationnement incitatif)
    • Centre logistique du dernier kilomètre
    • Réseau de distribution par vélo-cargo électrique
  • Réduire le ratio visiteurs/habitants par rapport à la proposition actuelle, en particulier au niveau de l’espace pour les touristes (on prévoit pour l’instant 25 millions de visiteurs par année)
  • Revoir la méthode de densification, en considérant d’autres approches que des tours de 50 étages peu conviviales et oppressantes pour les piétons

Habitation

  • Ajouter du logement social. Cela permettrait entre autres de créer des coopératives d’habitation – le type de logement qui permet la création d’un réel milieu de vie. Importance de coordonner le tout avec les logements sociaux des secteurs voisins, en particulier pour éviter que la super-cité ne finisse par devenir un ghetto particulièrement enclavé
  • Ajouter des logements communautaires
    • Espaces publics partagés (salons, cuisines, ateliers, salles pour rencontre, espaces d’arts ou de sports…)
  • Prévoir des logements adaptés et accessibles pour les personnes à mobilité réduite ou en situation de handicap
  • Viser l’autonomie énergétique et en termes de ressources
    • Récupération des eaux de pluies et des eaux usées
    • Géothermie communautaire
    • Zéro déchet
  • Créer des logements qui encouragent la mixité sociale ainsi qu’intergénérationnelle
  • Créer une coopérative et/ou une fiducie foncière communautaire pour retirer les terrains et les immeubles du marché spéculatif
  • Développer des logements au centre du secteur, à plus grande distance des autoroutes et à proximité des services
  • Avoir une répartition équilibrée entre les différents types d’usage
  • Harmoniser les bâtiments du secteur avec le patrimoine architectural de Ville Mont-Royal
  • Développer des règlements autour de la spéculation immobilière
    • Garanties d’habitation
    • Interdiction de location à court terme (Airbnb) plus de 30 jours par année (ou autre limite)
    • Contrôle des investisseurs étrangers

Commerce et économie

  • Planifier l’offre commerciale en cherchant à consolider plutôt que cannibaliser celle qui existe déjà dans les secteurs environnants
  • Prévoir une offre commerciale de proximité variée, des façon à ce que les résidents puissent satisfaire leurs besoins de consommation courants à l’intérieur du quartier, en transport actif ou en commun
  • Développer une monnaie locale ainsi que des systèmes d’échange locaux et de trocs
  • Instiller les principes de la décroissance soutenable et conviviale aux résidents – que ce soit par l’offre culturelle, l’offre commerciale, les activités éducatives, la présence d’ateliers…
  • Implanter des commerces d’échange locaux
  • Accroître la présence de coopératives dans l’offre commerciale
  • Prévoir des épiceries pour répondre aux besoins quotidiens. Une certaine flexibilité de la part du promoteur sera requise (locaux commerciaux sociaux/ fiducie foncière commerciale pour des coopératives de service/de travailleurs), afin que des épiceries indépendantes puissent être présentes plutôt que d’avoir simplement de grandes bannières
  • Prévoir une architecture flexible pour une scène commerciale changeante
  • Assurer une mixité de l’offre commerciale : restaurants, épiceries, bars, ateliers de réparation, bureaux, locaux partagés, Fablab, locaux d’artisanat, espaces de co-working
  • Favoriser l’économie circulaire
  • Installer un centre de tri dans le secteur

Loisirs, sports, culture et espaces collectifs

  • Prévoir des garderies et écoles
  • Prévoir un centre de soins de santé : CISSS, CLSC, ainsi que pharmacie, clinique dentaire …
  • Aménager des infrastructures sportives : piscine, court de tennis, terrains de soccer, skatepark …
  • Prévoir une bibliothèque, un centre communautaire et culturel, ainsi qu’un musée
  • Favoriser les infrastructures partagées plutôt que privées
  • Aménager une zone tampon entre les autoroutes et les bâtiments, en particulier les bâtiments résidentiels, de façon à réduire le bruit.
  • Prévoir des espaces de participation citoyenne extérieurs et intérieurs, afin de faciliter la cohésion sociale et permettre l’organisation d’événements et de séances d’éducation populaire/citoyenne
  • Dans les écoles, proposer des programmes axés sur l’agriculture locale dans le quartier, sur les économies alternatives, la réparabilité,  l’écocitoyenneté
  • Coordonner le tout avec le Triangle, Blue Bonnets et les infrastructures déjà existantes ; garantir le transport nécessaire si les services sont présents à l’extérieur (lignes de bus, pistes cyclables, rues…)

Alimentation et agriculture

  • Soutenir l’agriculture urbaine, sous le contrôle de la population (jardins communautaires et collectifs plutôt que fermes privées urbaines) afin de stimuler les rencontres et la socialisation des utilisateurs
  • Implanter un marché fermier pour la vente de produits locaux et/ou venant de l’extérieur
  • Planifier les fermes et les jardins en prenant en compte qu’il s’agit d’un secteur pollué – tant l’air que le sol
  • Aménager des toits verts
  • Faire revenir le melon de Montréal
  • Implanter une forêt nourricière, qui pourrait aussi servir de zone tampon avec les autoroutes
  • Implanter des serres
  • Viser l’autosuffisance alimentaire pour réduire la congestion liée à l’approvisionnement en aliments et augmenter la résilience des citoyens
  • Implanter un système de compostage communautaire

Espaces publics

  • Prévoir des arbres afin de créer des zones d’ombre pour réduire les îlots de chaleur l’été, des jardins, des parcs
  • Aménager une agora extérieure (voir espace de participation extérieur plus haut)
  • En hiver, avoir des espaces permettant la pratique de la raquette, du ski de fond, du patin, de la glissade ; aménager des trottoirs chauffants aux endroits stratégiques
  • Développer des bassins de rétention pour la création de milieux humides, avec possibilité de patinoire l’hiver
  • Aménager une piscine naturelle : filtrée par la végétation (de type lac ou étang – connectée au ruisseau Rimbault, qu’on pourrait faire revenir à la surface)
  • Mettre en place un centre de traitement de l’eau local et novateur, couplé à la réutilisation locale des eaux usées et pré-traitées (e.g. assainissement, irrigation, …)
  • Conserver des espaces verts sauvages
  • Garder les espaces publics ouverts à tous, et non pas seulement aux résidents : non à une communauté fermée

Autres

  • Laisser une place pour les immigrants et les personnes à revenu modique, tant dans les logements que dans les services, espaces publics, bibliothèques, marchés…
  • Assurer le développement d’un budget participatif pour le développement de la communauté et du milieu de vie
  • Assurer la cohérence avec le développement de Blue Bonnets : créer des canaux de communication et de collaboration ouverts et transparents entre les gestionnaires et promoteurs ; inviter les planificateurs des projets actuels à la même table, ainsi que les villes voisines
  • Planifier un aménagement assurant un climat tempéré : végétation pour briser les îlots de chaleur et orientation et positionnement des bâtiments pour briser les corridors de vent et maximiser l’ensoleillement l’hiver
  • Penser une planification 4 saisons – tant pour les infrastructures intérieures que les espaces extérieurs (prendre en compte les changements climatiques à venir – plus de précipitations, étés plus chauds, alternance gel / dégel l’hiver, sècheresses plus longues l’été)
  • Important à noter : les 10 000 nouveaux résidents du secteur feront grandement varier la pression électorale et la démographie des contribuables de Ville Mont-Royal, avec une possibilité de grands changements pour l’entièreté de la ville
  • Viser l’écoquartier :
  • Diversité architecturale : recul, ensoleillement, éviter les trop hautes tours oppressantes
  • Géothermie communautaire (s’inspirer du Collectif Solon et d’Imagine Lachine-Est)
  • Toits et murs végétaux
  • Circuits courts : resto/marchés <-> fermes/jardins locaux
  • Améliorer la gouvernance du secteur et utiliser cet exemple pour renforcer les législations entourant la conformité urbanistique

Conclusion

De part sa superficie et son emplacement, le secteur 15/40 possède un grand potentiel de redéveloppement. Par contre, les défis y sont nombreux, avec en premier lieu l’enclavement par la présence des autoroutes et des voies ferrées. La mobilité est donc un enjeu prioritaire, et les solutions doivent être planifiées préalablement aux autres travaux (voir à ce chapitre les recommandations du rapport du Groupe de travail sur le secteur Namur – De la Savane, présidé par Madame Florence Junca Adenot).

La crise climatique et environnementale ne peut non plus être ignorée. L’économie d’énergie et des ressources ainsi que la réduction des émissions de GES doivent être prise en compte dans tout développement. La norme devrait désormais être de bâtir des éco-quartiers, sobres et carboneutres.

Les aspects sociaux doivent aussi être considérés, de façon à ce que les nouveaux quartiers permettent et stimulent la cohésion sociale, l’implication et le partage. Ils doivent également être inclusifs, la vie dans un milieu de qualité et éco-responsable ne devant pas être réservée à un petit groupe de privilégiés.

Finalement, il faut écarter la construction d’une communauté fermée qui ne tiendrait pas compte de ses impacts sur l’économie locale, la congestion routière, l’environnement et autres enjeux au niveau de la grande communauté métropolitaine.

Le secteur 15/40 nous offre d’intéressantes possibilités de rebâtir la ville sur la ville et ainsi réduire l’étalement urbain et se doter de quartiers durables et résilients. Par contre, les bons choix doivent être faits dès maintenant, car le temps ne nous offrira plus la chance de réparer nos erreurs.