Le projet de loi 137, des entorses importantes à la démocratie

rem-cdpq-grand-virageAu début de l’été dernier, la Caisse de dépôt Infra présentait son projet de Réseau électrique métropolitain (REM), dont la conception avait été réalisée dans le plus grand secret. Dans le but d’accélérer le projet, le gouvernement a ensuite modifié plusieurs de ses traditions démocratiques: évaluation environnementale incomplète; audiences du BAPE écourtées en plein été; non-respect des recommandations du BAPE; autorisation du projet alors qu’aucune justification économique n’est présentée publiquement. En contraste, aucun projet d’Hydro-Québec ne pourrait être autorisé sans une telle justification.

Mais pour le gouvernement, tout cela semble insuffisant, puisqu’il présente maintenant le projet de loi 137, dont l’objectif serait d’accélérer davantage la réalisation REM. À cette fin, il enlève le droit aux citoyens de contester les expropriations jugées nécessaires par la Caisse.

On pourrait croire que des mesures exceptionnelles sont acceptables, parce que le REM serait dans l’intérêt public. Il y aurait urgence de développer le transport collectif, de réduire la congestion automobile et d’électrifier pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES). Mais la réalité est tout autre. La meilleure évaluation indépendante du projet est celle du BAPE, qui conclut que 90% des usagers du REM utilisent déjà le transport collectif. Sur les 10% de nouveaux usagers, 80% utiliseront encore une automobile pour se rendre à un stationnement du REM. Seulement 2% des usagers du REM abandonnent donc leur auto. Mais pire encore, le REM va beaucoup encourager l’étalement urbain qui augmente l’usage de l’auto. Donc globalement, aucune réduction de la congestion ou des émissions de GES. En ajoutant les hausses des tarifs causées par le REM, on peut même prévoir une baisse globale de l’usage du transport collectif.

Et toutes les discussions oublient les dépassements de budgets qui sont TRÈS PROBABLES. Un dépassement de 30% n’est pas rare pour ce type de projet, ce qui ajoute 1,8$ milliard. Le REM est contraire à l’intérêt public et il n’y aucune raison de vouloir l’accélérer.

En fait, le projet de loi 137, qui est actuellement discuté en commission parlementaire, fait beaucoup plus. Voici quelques constats du mémoire présenté par Trainsparence, à la Commission. Ces constats sont basés sur les opinions de plusieurs experts en droit et en politique québécoise:
-Le projet de loi 137 établit une domination totale de la Caisse sur les municipalités.
-Il établit aussi un nouveau régime de taxation foncière alternative, en clarifiant que seul la Caisse peut en bénéficier.
-Il déclare que la nouvelle  « Autorité régionale de transport » (ARTM) ne pourra réaliser une vraie intégration des réseaux, puisque ce sont tous les autres réseaux qui doivent s’adapter au REM.

Pourquoi le gouvernement présente-t-il un projet de loi aussi draconien? Parce qu’il réalise à quel point ce projet sera extrêmement coûteux pour lui. Il faut donc, dès maintenant, avant des discussions franches sur les tarifs, s’assurer que beaucoup d’autres intervenants en paieront une grande portion. Le projet de loi 137 enlève tout pouvoir de contestation aux municipalités qui devront payer une grande portion du projet, sans pouvoir augmenter leurs revenus fonciers; et l’ARTM sera forcée de financer lourdement le REM, ce qui l’obligera à fortement hausser les tarifs.

Un bon système de transport collectif, au profit des citoyens, n’aurait pas besoin de toutes ces entorses à la démocratie. Trois citations du maire de Laval en commission parlementaire résument bien la situation :

« Les dispositions de la loi 137 ont préséance sur celles de toute autre loi… les pouvoirs accordés à la Caisse, dans le cadre du projet de loi, sont supérieurs à ceux dont disposent le gouvernement ou ses ministres… »

« (en lisant les articles de la loi) nous avons constaté l’élimination du pouvoir des municipalités ».

« L’urgence de réaliser le REM est beaucoup véhiculée, mais jamais expliquée. »

À ces constats, on peut ajouter les déboires du BAPE et le fait que les expropriés ne pourront plus utiliser les tribunaux pour protéger leurs droits. Le gouvernement du Québec n’hésite donc pas à abandonner des processus démocratiques et même des droits fondamentaux, pour réaliser un mauvais projet. Nous sommes étonnés que la société québécoise soit aussi passive devant autant d’abus.

Luc Gagnon, Jean-François Lefebvre, Lisa Mintz, John Symon , Matthew Chapman, Shaen Johnston, Mathieu Vick, Alex Turcotte, Maxime Arnoldi, pour la Coalition Trainsparence