L’Office de consultation publique de Montréal (OCPM) vient de publier son rapport de la consultation publique sur la réduction de la dépendance montréalaise aux énergies fossiles. Rappelons que ce mandat de consultation provient d’une demande citoyenne inscrite par les membres fondateurs de la Coalition Climat Montréal en vertu du Droit d’initiative inscrit à la Charte montréalaise des droits et responsabilités. Cet exercice avait pour objectif de faire émerger « des initiatives concrètes, ambitieuses et réalisables que la Ville de Montréal pourrait mettre en œuvre afin de réduire notre dépendance aux énergies fossiles. »
Cette vaste consultation a suscité une extraordinaire mobilisation : 3 565 citoyens et organisations y ont participé, 48 événements ont été tenus, 92 mémoires, près de 500 pistes de solutions et une vingtaine de projets ont été soumis, et finalement la plate-forme en ligne a enregistré 5 973 interventions! Les commissaires et l’équipe de l’OCPM ont accompli un travail colossal pour compiler toutes ces contributions.
L’Office note que pour la majorité des participants à la consultation, la réduction de la dépendance aux énergies fossiles s’insère dans une action plus vaste visant, à terme, la réduction des gaz à effet de serre et la lutte aux changements climatiques. À ce titre, les solutions proposées touchent l’ensemble de la société de consommation et débordent du cadre strict de son mandat de consultation. « Les résultats bruts de la démarche constituent une mine de renseignements et de suggestions, de références à des expériences d’ici et d’ailleurs, qu’il a été particulièrement ardu de traduire en quelques recommandations permettant de réduire la consommation d’énergies fossiles à Montréal. » a jouté la présidente de l’OCPM, madame Dominique Ollivier.
Notre analyse
Si cette consultation se distingue des précédentes, ce n’est pas seulement en raison de l’ampleur de la participation mais aussi, et nous devrions ajouter surtout en raison de son sujet. Les scientifiques nous pressent d’agir sans tarder afin de réduire nos émissions de gaz à effet de serre, dans le but de limiter le réchauffement. Cette action passe évidemment par une diminution très importante de notre utilisation des combustibles fossiles. Le but de la consultation consistait à recueillir des solutions permettant d’atteindre cet objectif. La collecte a été fructueuse, de nombreuses propositions ayant été soumises, portant sur les secteurs de transports, des bâtiments, de l’industrie, des services de la ville et des habitudes de vie. Si l’on revoyait assez fréquemment des idées bien connues, comme augmenter l’offre de transport en commun ou limiter l’étalement urbain, d’autres, traduisant l’émergence de nouveaux courants comme l’économie circulaire et l’économie de partage, ont occupé une place significative. Changement dans l’air du temps, l’automobile solo apparaît de plus en plus comme l’ennemi public numéro un; plusieurs mesures visant à limiter son utilisation ont été proposées.
Les 15 recommandations du rapport reflètent toutefois de manière incomplète la richesse et la diversité des solutions qui y sont préconisées. Même si la Ville de Montréal les mettait toutes en application, elles seraient de loin insuffisantes pour espérer atteindre la neutralité carbone d’ici 2042, comme le vise la Coalition. Une lecture complète du rapport est ainsi recommandée, particulièrement pour les décideurs. Nonobstant cette réserve, le rapport publié par l’Office livre, sauf quelques exceptions, un résumé assez fidèle de la consultation. Ainsi, la recommandation 4 « d’améliorer en priorité l’offre de services d’autobus et de métro » aurait également dû intégrer les nouveaux modes de transports collectifs électrifiés structurants, comme les SLR de type tramways, qui occupent une place intermédiaire entre le métro et l’autobus tout en étant indiqués en tant que premier chantier dans le Plan de transport (2008) de la Ville de Montréal.
Montréal avait déjà annoncé en 2015 son objectif de réduction de 30 % des émissions de GES d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 1990 (OCPM, p. 53). L’importance de l’implication des villes a été reconnue plus que jamais lors de la 21e Conférences des Nations Unies sur les changements climatiques (COP21) avec le Sommet des élus locaux pour le climat. En tant qu’endosseur de la Déclaration universelle par les élus locaux, le maire de Montréal, M. Denis Coderre, a pris plusieurs engagements additionnels, incluant de « promouvoir et dépasser, dans toute la mesure de leur autorité, les objectifs de l’accord de Paris 2015 négociés lors de la COP 21 » ainsi que de « soutenir des objectifs ambitieux en faveur du Climat tel que la transition vers une énergie 100 % renouvelable sur leurs territoires ou une réduction de 80 % des émissions de gaz à effet de serre » (OCPM, p. 11). L’Office souligne également qu’« une majorité de participants se sont mobilisés autour d’un objectif commun, soit celui que Montréal atteigne la carboneutralité pour son 400e anniversaire en 2042 » et que la Métropole rejoigne les rangs de la Carbon Neutral Cities Alliance (OCPM, p. 49).
Au-delà de cet ultime objectif que nous réitérons, la capacité d’atteindre les cibles déjà établies nécessitera dès maintenant un virage important, avec un profond souci de cohérence. M. Coderre avait annoncé, le 1er février dernier, les intentions de la Ville relativement à l’utilisation des résultats de la consultation : « La manière dont se déroulera la suite des choses reste, bien sûr, à être clarifiée. Certains projets, par exemple, pourraient nécessiter la participation du gouvernement du Québec ou du Canada et des négociations avec ceux‐ci pourraient être envisagées. Parmi l’ensemble des idées reçues, le critère de sélection le plus important sera celui qui portera sur la capacité du projet de réduire la consommation d’énergies fossiles et les émissions de gaz à effet de serre (notre souligné). Par conséquent, un grand nombre de ces projets devrait toucher le secteur des transports, le secteur consommant la majorité des énergies fossiles et émettant la majorité des gaz à effet de serre de l’agglomération ». (OCPM, p. 12).
Ce critère doit être immédiatement appliqué afin d’évaluer l’efficacité des projets actuellement proposés : le prolongement de la Ligne bleue du métro, un service rapide d’autobus sur Pie IX et le Réseau électrique métropolitain (REM) de la CDPQ-Infra. Leurs bénéfices doivent être comparés à ceux de projets alternatifs, notamment de SLR de type tramways, lesquels ont eu des effets significatifs dans nombre de villes, comme par exemple Lyon. Selon le Plan Montréal durable 2016-2020, la Métropole doit réduire de 3 581 kilotonnes ses émissions de GES d’ici 2020 (par rapport à 2009). Une fois implanté, le projet de la Caisse de dépôt n’amènerait – selon ses propres estimations – qu’une baisse minime de 17 kt, pour près de 6 milliards d’investissement (en ajoutant les stations montréalaises non incluses dans le budget), ce qui ne justifierait nullement la contribution du Fonds vert dont la réduction des émissions est le premier critère.
Le rapport de l’OCPM résulte d’un véritable processus démocratique, ouvert à des solutions innovatrices. Sa mise en œuvre nécessitera aussi dès maintenant un tel processus. Le développement de transports collectifs électrifiés accessibles et performants en constituera le premier test.
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