Le Réseau Électrique Métropolitain, un des plus importants projets de construction des 50 dernières années au Québec, est évalué précipitamment au détriment des utilisateurs, des citoyens et des enjeux climatiques. Malgré l’existence d’autres options très valables, la décision semble déjà prise, comme les observateurs sérieux commencent à le comprendre.
Le récent article d’Alain Dubuc dans La Presse, REM : au pays des chialeux, fournit une très mince analyse environnementale et sociale du projet, surtout si l’on considère le candide commentaire de l’auteur quelques jours plus tôt lors de l’annonce de la controversée taxe fédérale sur le carbone.
Comme Dubuc, plusieurs ont été charmés par cette proposition de la CDPQ-Infra. Cette-dernière a mené un brillant exercice de relations publiques pour gagner l’assentiment de la population à son projet (« Un train électrique ? Que demander de plus ! »); il n’en demeure pas moins qu’elle a refusé d’analyser les émissions de GES découlant du cycle de vie complet du projet. Dans un contexte de prétendue austérité carbone, une telle position est indéfendable tant sur le plan environnemental que moral.
Il y a trois ans, le MTQ a manœuvré de façon similaire avec la reconstruction de l’échangeur Turcot. En prétendant à la neutralité carbone du projet, il a commodément omis les deux plus importants impacts sur les émissions de GES : la production de millions de mètres cubes de béton et autres matériaux, ainsi que l’étalement urbain et l’utilisation de l’auto-solo que cette méga-structure allait continuer à encourager.
En dépit du refus d’une évaluation complète des émissions de GES, les groupes environnementaux ont hésité à s’opposer publiquement au projet après en avoir applaudi l’annonce avec enthousiasme. Malheureusement, la différence entre les apparences (les images et vidéos léchés présentés par la CDPQ-Infra) et la réalité (un ruban de viaducs de béton serpentant au travers de la ville et de vastes stationnements, digne des années ‘60 ) n’est pas insignifiante.
On ne s’étonnera pas que la CDPQ-Infra accorde peu d’importance aux émissions de GES, sa préoccupation première étant le rendement financier. Ce projet a été conçu en fonction de son retour sur l’investissement, reléguant au second plan l’intégration aux réseaux existants, le service des quartiers densément peuplés et des communautés à faible revenu, ainsi que les impacts environnementaux.
Franche partisane du projet, l’administration municipale se préoccupe-t-elle d’en évaluer le bilan carbone? On peut en douter, puisque elle refuse de mesurer les émissions de la communauté montréalaise sur une base régulière. Le dernier inventaire a été fait en 2009 et a révélé un important écart entre les objectifs et la situation réelle. Les fonds requis pour le prochain inventaire n’ont d’ailleurs pas encore été attribués.
Le temps nous presse. Les 16 derniers mois ont tous été marqués par des records de chaleur; d’ici 15 ans, nous aurons atteint le seuil fatidique du 1,5 °C et bon nombre de scientifiques ne savent plus comment s’y prendre pour démontrer la gravité des faits qu’ils observent et nous convaincre de réduire sans tarder notre empreinte carbone. Les projets comme le Réseau Électrique Métropolitain les rendent incrédules. À une époque où la réduction des gaz à effet de serre devrait être le premier critère de toute décision touchant les transports— surtout si celle-ci concerne les fonds publics — il est aberrant de constater qu’une analyse adéquate ne soit pas prévue.
Regroupant de nombreux segments de la population et proposant une vision pour une ville carboneutre d’ici notre 400è anniversaire, la Coalition Climat Montréal s’oppose fermement au Réseau Électrique Métropolitain de la CDPQ-Infra tel que proposé actuellement, comme elle s’oppose à tout projet qui n’évalue pas tous les impacts qu’il aura sur les émissions de GES de la métropole, et ce dans son cycle de vie complet. On ne peut plus feindre l’ignorance ni fermer volontairement les yeux devant les évidences que la communauté scientifique a largement exposées depuis des décennies. Face aux changements climatiques, nous devons agir dès maintenant!