La semaine dernière, la salle d’audience de la Cour d’appel du Québec était pleine à craquer pour entendre le recours d’un groupe de citoyens intenté contre le gouvernement du Québec et la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) à propos du Réseau Express Métropolitain.
Les citoyens auront bientôt la réponse de la Cour d’appel aux questions qu’ils ont posées aux tribunaux il y a près de deux ans. Tout d’abord, les droits de propriété des entreprises remplacent-ils le droit de la population à un environnement sain? Deuxièmement, les entreprises privées devraient-elles être autorisées à garder des informations confidentielles auprès des citoyens et des élus lors de consultations publiques? Troisièmement, les gouvernements peuvent-ils adopter des lois rétroactives libérant eux-mêmes et les entreprises privées de leurs obligations environnementales?
L’année dernière, un juge a effectivement statué oui sur ces deux points en rejetant l’affaire des citoyens à un stade préliminaire. Le jugement de la cour d’appel devrait être rendu dans les semaines à venir. Il confirmera ou sapera la crédibilité de l’organisme de surveillance de l’environnement de la province, le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE), qui a déclaré le projet impossible à évaluer en raison de son absence de transparence de la part du CDPQ.
Ces citoyens sont membres de Trainsparence, une coalition d’experts du transport en commun et de défenseurs de l’environnement préoccupés par le manque de transparence endémique des projets publics. En collaboration avec la Coalition Climat Montréal et le SCFP, des chercheurs de l’UQAM et de l’ETS ont procédé en juin à un test climatique sur le projet, démontrant ainsi qu’il émettrait neuf fois plus d’émissions de gaz à effet de serre que celles divulguées par le CDPQ.
La bonne nouvelle, ont-ils conclu, était que les solutions de remplacement qui tirent parti de la construction actuelle réduiraient les émissions par dollar investi d’un ordre de grandeur. Ceci, tout en évitant des viaducs en béton, des terrains de stationnement tentaculaires et des subventions d’exploitation exorbitantes. L’entente actuelle coûtera 43 $ par passager et par jour aux contribuables en partance de Deux-Montagnes pour le centre-ville, comparativement à 8 $ aujourd’hui.
Si ce projet «innovant» se poursuit sans être contesté, il créera un précédent de trois manières troublantes:
- Les promoteurs concluront à juste titre qu’ils peuvent faire fi des consultations publiques en retenant les détails du projet qui dérangent;
- Les investissements publics dans des infrastructures de cette envergure ou de toute autre ampleur n’auront pas à être évalués – et encore moins optimisés – pour leurs impacts sur notre environnement, y compris les émissions de gaz à effet de serre;
- Le gouvernement sera rassuré de savoir qu’il peut modifier les lois de manière rétroactive – comme cela a été fait en septembre 2017 avec la loi 137 – pour couvrir leurs traces et rendre après coup illégales des activités légales, telles que l’exigence que les projets soient soumis à une consultation environnementale appropriée.
Quelles sont les chances de succès de l’appel ?
Les lois écrites sont sujettes à une évolution de l’interprétation et nous devons insister pour que nos tribunaux aient une vision plus large des protections juridiques pour un environnement sain, tout comme pour les droits de l’homme. Alors que l’esclavage, l’assujettissement des femmes et l’homophobie étaient autrefois inscrits dans la loi, la compréhension juridique des droits de l’homme a évolué pour l’emporter sur ces préjugés.
Ce n’est qu’une question de temps avant que la loi reconnaisse qu’une consultation honnête et transparente ainsi qu’un environnement sain pour les générations présentes et futures sont des droits qui doivent primer les intérêts à court terme des entreprises et des élites politiques. La seule question est de savoir combien de dommages nos tribunaux autoriseront avant de mettre un terme à cela.
Que les juges décident ou non de s’appuyer sur les précédents établis dans l’affaire de la rainette faux-grillon de l’ouest à La Prairie et dans le rejet récent du pipeline Trans Mountain de Kinder Morgan, ou qu’ils décident de renverser cette décision dans quelques années, les citoyens peuvent être fiers d’avoir mis au grand jour l’incohérence entre l’objectif déclaré du gouvernement d’agir de manière ambitieuse face au changement climatique et son refus de mesurer les impacts de ses actions sur le climat.
Comment pouvez-vous aider ?
Si le gouvernement et la CDPQ perdent devant la Cour d’appel, nous pouvons être sûrs qu’ils interjetteront appel devant la Cour suprême du Canada. Si les citoyens perdent, pourront-ils faire la même chose? D’une part, ils devraient demander l’autorisation de la Cour suprême elle-même. Si l’autorisation était accordée, la seule chose qui empêcherait l’audience serait la profondeur des poches des citoyens. Face au gouvernement du Québec et à un fonds de pension de 300 milliards de dollars, les chances ne sont pas tout à fait en leur faveur. Des dons sont collectés pour défendre nos droits et peuvent être faits à trainsparence.ca